Il n'est pas coutume de rencontrer chez moi des appareils dotés d'un placard de boutons. Il est vrai qu'on ne trouve sur mon préampli SRPP qu'un bouton de volume, un autre de balance et le sélecteur de sources. Mon orientation progressive vers la prise de sons date de plus de 10 ans, même si je n'avais pas réellement conscience du phénomène. Elle a pris une formidable accélération ces deux dernières années, en partie grâce à internet.
Pour commencer, j'ai toujours été surpris de la différence entre ce que l'on entend chez soi et ce que l'on entend au concert. Par exemple, les enregistrements des cuivres d'une batterie ne rendent jamais l'extrême aigu qu'ils produisent au concert. La différence de dynamique est également énorme au point que l'on pousse souvent le volume d'écoute, pour essayer de compenser la platitude de ce que l'on entend, jusqu'au mal de tête... Je parle du temps du 33 tours. Avec l'arrivée du compact disc, on était en droit de s'attendre à une amélioration sur ce sujet. En fait, tous les mélonanes ont été déçus de constater une globale diminution de la qualité avec l'arrivée de ce nouveau support. Est-ce une vieille querelle entre les défenseurs du modernisme et les nostalgiques de la galette de vinyl? Franchement, je ne le pense pas. La dégradation du médium aigu fait l'unanimité. Mais bien pire encore est constaté dans les rééditions d'anciens enregistrements que l'on << remasterise >>. Certains d'entre eux sont méconnaissables, mous, sans relief, ni dynamique. Quant aux nouvelles réalisations, toutes faites en numérique, le résultat laisse dubitatif du point de vue de ce que cette technique devrait apporter par rapport à l'analogique. Souvenons-nous d'un article écrit par Guy MAREC dans la revue L'Audiophile, aprés avoir assisté à une démonstration publique du tout nouveau support compact disc, à Grenoble. "Digital, attention danger" était le titre de cet article qui avait fait pas mal de bruit et couler beaucoup d'encre. Il décrivait en détails la médiocrité des enregistrements numériques qui avaient été présentés au public. Le décor étant planté, passons aux éléments qui m'ont orienté vers la sono et la prise de sons.
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Vers la fin des années 70, j'ai eu l'occasion d'écouter sur mon système de l'époque un disque Américain à gravure directe de marque Sheffield. Il s'agissait de l'oeuvre de Prokofiev, Roméo et Juliette. La dynamique de ce disque m'avait coupé le souffle. Ces disques se vendaient à l'époque 200 à 300 francs et je ne pouvais pas me les offrir. |
J'ai voulu retrouver la trace de ces disques et grace à internet, j'ai pu en acheter quelques uns aux Etats Unis par l'intermédiaire d'Ebay. Ils sont bien sûr d'occasion, mais globalement en bon état. La particularité de ces enregistrements réside dans le fait qu'ils sont effectués dans la majorité des cas avec seulement deux micros, puis que le signal est envoyé directement à la machine à graver, sans aucune transformation. Le premier que j'ai acheté est un disque de jazz de Harry James ( Sheffield lab 3 ) datant de 1976.
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Dés la première écoute, j'ai été surpris de constater que j'avais des tweeters et un pavillon de grave.... Le niveau d'extrême grave et celui d'aigu sont surprenants, la dynamique est impressionnante et l'image sonore très réaliste. On distingue bien l'emplacement de tous les instruments. Les cuivres sont époustouflants, les trompettes sonnent comme en vrai, avec toutes leurs harmoniques. Là, j'ai compris que le manque d'aigus ne venait pas de ma chaîne, mais du disque. |
Certains Sheffields sont accompagnés d'un petit fascicule qui explique les conditions de prise de son et l'historique des problèmes qui ont été rencontrés. Le Lab 3 indique même les références des micros utilisés.... Il apparait que ces disques sont différents des autres sur trois points: Le premier est qu'ils sont gravés directement sans passer par un enregistrement sur support magnétique ( magnétophone ). Le deuxième est qu'ils sont réalisés avec un seul couple de micros, alors que les autres sont depuis belle lurette issus d'un grand nombre de micros, parfois plusieurs sur un même instrument. Le dernier est qu'il n'y a pas toute la cuisine électronique que subissent les autres, comprenant un mixage des différentes voies et le rajout d'une réverbération artificielle, parfois plusieurs. Petite précision au passage, je cite beaucoup les disques Sheffield Lab. Il ne faut pas ignorer qu'il existe d'autres labels produisant des enregistrements de qualité en gravure directe. On ne peut pas tous les citer, surtout lorsqu'on ne les connait pas..!
Les analyses qui suivent n'ont pas la prétention d'être un modèle scientifique, mais plutôt une chose qui soit compréhensible par la majorité. L'enregistrement magnétique est une technique trés contraignante du fait du comportement physique de la bande magnétique elle-même. On peut se souvenir des cours d'électricité de première où on étudiait les phénomènes d'hystérésis dans les aimants. L'aimantation du fer ou de ses oxydes n'est pas un phénomène linéaire. La principale conséquence de celà est que le signal audio ne peut être envoyé directement sur les têtes d'enregistrement mais son niveau doit être corrigé en fonction de sa fréquence. A la lecture, la courbe inverse est appliquée pour que le signal retrouve sa forme d'origine. La figure ci-dessous montre la correction que l'on applique à la lecture.
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Elle est du même principe que la correction RIAA appliquée aux disques vinyls et que tous les électroniciens connaissent. A cette torture électronique s'ajoute le souffle propre aux bandes magnétiques que l'on peut réduire avec une autre torture du signal qui s'appelle compression expansion. Les audiophiles connaissent les Dolby, DBX, HighCom. En clair, tous ces intermédiaires tendent à dégrader le signal d'origine, même si, par ailleurs, ils résolvent de gros problèmes. La technique de l'enregistrement est, finalement, un vaste compromis..! |
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Considérons un local renfermant un instrument et un micro. L'instrument envoie un son tout autour de lui. Une partie se dirige directement vers le micro en ligne droite. Tout le reste va se réfléchir sur les murs, le plafond et le sol. Une partie de ces réflexions revient sur le micro avec un temps de retard variable suivant le lieu de la réflexion, donc suivant la longueur totale que parcourt l'onde sonore entre l'instrument et le micro. Une partie de l'onde se réfléchit plusieurs fois avant d'atteindre le micro, d'où un temps de retard important. A l'écoute, le son traine en longueur et subit des déformations. Les fréquences élevées sont plus affectées car leur longueur d'onde est courte, beaucoup plus courte que les distances qu'elles parcourent dans la pièce. |
Eh bien, comme disent les matheux, application numérique...! On va chercher à vérifier tout celà, ou au moins la plus grande partie, par la pratique. Pour mener à bien l'expérience, il faut deux choses; des musiciens à enregistrer et du matériel. Commençons par le commencement, par l'acquisition du matériel de prise de sons. En gros, il faut capter les sons, donc il faut des micros, puis amplifier le signal, donc un préampli, et il faut enregistrer sur un support quelconque à partir duquel on pourra relire facilement. Ce dernier point m'a fait grandement hésiter du fait de la grande histoire d'amour que je partage avec l'analogique, confrontée à l'inévitable évolution vers le numérique. J'ai fini par trancher. Ce sera du numérique avec la possibilité d'utiliser mon Revox B77 pour comparer les différentes techniques. Les micros représentent une jungle à eux seuls. Il y en a pour tous les prix et pour tous les usages. Les forums du net m'ont bien rendu service, en particulier celui d'Audio Fanzine. Site internet d'Audio Fanzine On y trouve de nombreux avis et commentaires d'amateurs comme de pros sur un grand nombre d'appareils d'audio.
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Mon choix s'est porté sur des micros à électret de marque AKG référence C535EB. Ils sont trés polyvalents et font partie des "valeurs sûres" du marché à un prix abordable. J'aurais bien voulu des C414 de la même marque qui sont une référence, mais là, le budget explose. Je les ai pris neufs car le marché de l'occasion pour ce produit ne fait pas gagner grand chose. Fournisseur Stars music, garantie 2 ans. |
Page du C535 EB chez Stars-Music
Le préampli de micros a 3 fonctions (à la louche). Amplifier le trés faible signal des micros, de
l'ordre de quelques millivolts, pour l'amener à celui d'une ligne, quelques centaines de millivolts. Celà
permet d'attaquer un enregistreur, par exemple. Ajuster le gain d'amplification pour ne pas saturer les
électroniques. Produire l'alimentation Phantom nécessaire au fonctionnement des micros à électret. Etant
beaucoup plus attiré par les lampes que par les mille pattes, j'ai tout de suite recherché un préampli à lampes.
Les forums du net m'ont encore bien aidés à trouver un compromis pour un bon produit sans avoir recours à coucher
avec mon banquier..! J'ai choisi un Behringer référence T 1953. Les avis sont trés partagés, entre ceux qui
considèrent que Behringer ne figure pas parmi les fabricants de bon matériel, sans aucune nuance, et ceux qui sont
satisfaits de leur choix et prêts à refaire le même.
Préampli UltraGain sur Audio Fanzine
On entre en symétrique, on ressort en symétrique. On trouve un réglage de chaleur du son(!?!?!?!). J'ai essayé
une fois de chauffer le son, en fait, il s'agit d'un simple filtre passe bas, c'est à dire qu'il diminue
les aigus. Donc, gadget inutile à laisser toujours sur froid! Autre gadget, deux vitres à travers lesquelles
on peut voir les deux lampes ECC 83, elles-mêmes éclairées par une ampoule (sur la droite de l'appareil)....
Quel cinéma autour de ces
2 triodes qui, il y a un peu plus de 10 ans, n'étaient vouées qu'à la poubelle. L'art de vénérer ce que l'on jetait
s'appelle la mode, connerie humaine indémodable! Passés ces gadgets de marketing, ce préampli se défend bien au
niveau de la qualité à condition, bien sûr, de ne pas le pousser au maximum de son gain, ce qui est par ailleurs
inutile. Je comprends donc les utilisateurs qui en sont satisfaits. Si la qualité de tous les disques étaient
au même niveau que ce préampli, quel pied pour les mélomanes, et cette étude n'aurait pas lieu! Acheté d'occasion
(Ebay ou annonces d'Audio fanzine, je ne sais plus).
L'enregistreur est fait, comme son nom l'indique, pour....... Il s'est posé les mêmes problèmes de compromis
budget/qualité que pour le préampli. Aux mêmes maux ont été appliqués les mêmes remèdes et j'ai acheté un
enregistreur numérique Tascam DP 01.
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Tascam est la division professionnelle de Teac qui produisait, à l'époque, des magétophones à bandes de haut de gamme. Le DP01 est la version numérique du magnétophone dans laquelle la bande magnétique est remplacée par un disque dur de 40 Go. On sort soit en analogique sur fiches RCA, soit en fichiers wav sur le port USB d'un ordinateur. Acheté neuf (même prix que l'occase) chez Stars music. |
Le Tascam DP01 sur Audio Fanzine Bon, et bien maintenant qu'on a un tas de matos, il faut en faire quelque chose. Premier problème, la désymétrisation du signal. Les micros sortent en symétrique, une masse un signal positif et un autre négatif. En fait, les deux signaux sont alternatifs, donc l'appellation de positif et négatif est symbolique. Lorsque l'un est positif, l'autre a la même valeur mais avec le signe moins. Donc, N(négatif) = - P(positif). Cet artifice permet d'annuler les parasites qui pourraient être induits dans les câbles. En effet, pour désymétriser, il faut faire la différence des deux signaux. Signal asymétrique = P - N ce qui fait P - ( - N ) donc 2 P.Si un parasite est induit dans les câbles, il l'est de la même façon et avec le même signe sur les deux fils ( positif et négatif). Lorsqu'on désymétrise, on en fait la différence, donc on l'annule. C'est trés simple mais trés efficace, surtout en concert où les câbles de micros courent au sol à côté des câbles secteur. Dans la pratique, pour désymétriser, il faut soit un transfo, soit un ampli opérationnel avec entrées symétriques. Le préampli Behringer sort en symétrique, il ne désymétrise pas le signal, et l'entrée du Tascam ne peut se faire qu'en asymétrique. J'ai essayé, pour désymétriser, d'interposer entre les deux, un transfo 600 ohms utilisé en téléphonie. Ca marche, mais le son est un peu métallique, et ce n'est pas tout à fait le standard de qualité que je recherche. Donc, provisoirement, je n'utiliserai que la sortie positive (et la masse) en aval du Behringer et n'aurai pas l'insensibilité aux parasites. Aprés, on verra. Une fois les câbles assemblés pour cette configuration là et quelques accessoires achetés chez Thomann Site français de Thomann , tout est prêt pour un premier essai.
Ils se font avec de petites formations locales bien sûr, l'orchestre national de jazz, ce sera pour une prochaine vie..! Premier essai avec une chorale d'une douzaine d'hommes. Pas de précautions particulières quant à la disposition des chanteurs ni à l'acoustique du local. Le résultat brut donne une impression de naturel sans confinement. Le son est trés précis au point que le maître de coeur reconnait chaque participant à l'écoute de l'enregistrement. Deuxième essai lors d'un bal de village. L'enregistrement est fait à partir de la console de mixage (c'est du multi micros), la batterie et la basse ne passent pas par la console. Du fait des conditions de prise de sons, cet enregistrement n'a qu'une valeur d'essai pour se faire une idée des différents problèmes qui peuvent se poser. Le résultat est surprenant aprés relèvement du niveau de grave bien entendu. On a une assez bonne image sonore, avec de la présence et du naturel. Les cuivres de la batterie, bien qu'en retrait, sont d'une finesse dont je ne croyais pas capable le standard du CD, rarement rendus sur les disques du marché. L'ensemble est finalement plutôt agréable à écouter. Il n'en fallait pas plus pour me convaincre qu'on est sur la bonne voie. Il faut maintenant peaufiner le matériel, puis se faire une expérience en pratiquant un maximum de prises dans des conditions trés diverses. Alors, ça repart pour de nouvelles aventures...! Réalisation d'un petit studio autonome