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Un pavillon est un adaptateur d'impédance. Il permet d'adapter l'impédance
acoustique élevée d'une membrane de haut parleur à celle beaucoup plus
basse d'une pièce d'écoute. Ca, c'est pour les scientifiques. Pour les bouzeux ( dont je suis ), ça revient en gros à avoir un HP dont la membrane aurait une surface utile égale à celle de la bouche du pavillon, dans notre cas 2,30 m x 1,70 m !!!
L'emploi d'un tel engin donne l'impression de remplir
complètement de musique une salle, avec beaucoup d'ampleur,
alors qu'un haut parleur seul semble ne faire vibrer qu'un volume plus ou moins limité. D'autre part, il permet de charger convenablemenrt la membrane et donc
de descendre plus bas en fréquence.
J'ai été convaincu de me lancer dans cette folie lorsque Guy Marec (bien
connu des audiophiles pour ses travaux sur les alimentations), de retour
du Japon avait écrit un article sur les systèmes exceptionnels à pavillons
qu'il avait vus et écoutés, et particulièrement celui de M. Ikêda. La conclusion de son article était la suivante: "Je crois avoir compris en présence de ce merveilleux système, qu'un haut parleur de grave n'est malheureusement pas du tout fait pour être enfermé dans une boîte si sophistiquée soit-elle".
Article de Guy Marec dans la revue L'Audiophile
Ce fut pour moi, clair, net
et précis..! Il fallait que je fasse un machin comme ça.
Cette description va comporter plusieurs parties; l'étude théorique ou le
calcul du pavillon, sa réalisation, et les problèmes de mise au point.
Le calcul d'un pavillon est une opération assez complexe parce qu'elle doit
apporter des solutions à de nombreux problèmes. Contrairement à ce qu'on
pourrait croire, le niveau purement mathématique n'est pas trés élevé.
On ne dépasse pas le niveau de l'exponentielle, ce qui est assez gérable
(je présente mes excuses à tous les Bac moins 3).
Plus difficile est le fait qu'un pavillon doit s'intégrer dans un environnement
bien déterminé et doit donc répondre à des critères dimentionnels,
esthétiques, de résistance mécanique et ponctuellement d'autres, sans
parler du fait qu'il doit être "fabricable"..! C'est donc plutot l'aspect de
l'étude générale et de la conduite d'un grand projet qui fait la plus grande
difficulté. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que cette expérience
nécessite quelques compétences auxquelles on ne peut pas couper; citons
le niveau mathématique du calcul exponentiel, un minimum de résistance
des matériaux, la conduite d'un projet de cette ampleur (souvent seul), et enfin la
capacité à fabriquer l'engin avec toute la précision et la solidité
escomptées. Que les amateurs de l'aventure soient rassurés, ce n'est pas
insurmontable, mais il faut quand même un minimum, et puis quand on le possède,
il faut "oser" se lancer( j'ai mis plusieurs années pour me lancer). Dernier détail, mais pas des moindres, on ne peut pas
"copier" un pavillon existant à la lettre, car ce genre d'appareil est trés
dépendant du milieu dans lequel il doit s'intégrer. Mais ceci étant dit,
l'aventure est passionnante, alors, allons-y.....!
Le cahier des charges initial comporte la fréquence de coupure que l'on
souhaite, les caractéristiques du moteur (haut parleur) que l'on va utiliser,
les caractéristiques dimentionnelles de l'endroit dans lequel il prendra place.
Ceci fixe la longueur approximative du pavillon et sa surface de bouche.
Vient ensuite le choix du type de courbure. Le cône donne de bons
résultats mais présente le défaut d'être trés directionnel (est-ce un gros
inconvénient dans l'extrême grave?). Les courbes les plus courantes sont
l'exponentielle (e puissance x) et l'hyperbolique à base de cosinus et sinus
hyperboliques. Cette dernière permet d'atteindre la surface de bouche sur
une longueur un peu plus faible que l'autre. J'ai choisi la seconde. L'équation
est la suivante:
Ch et Sh sont les cosinus et sinus hyperboliques. m est le coefficient
d'expansion, il dépend principalement de la fréquence de coupure du
pavillon. So est la surface de gorge, celle à l'origine du pavillon, côté
haut parleur. On calcule le coefficient d'expansion à l'aide de la formule
suivante:
La gorge du pavillon est le côté qui reçoit le haut parleur. La section du
pavillon à cet endroit est plus petite que la surface utile de la membrane
(hors suspension). De la valeur de cette surface par rapport à celle de la membrane,
dépend le rendement de
l'ensemble. On peut déterminer la valeur optimale de cette section en
fonction des caractéristiques du haut parleur et de quelques paramètres
de l'air. Si elle est plus grande, on perd en rendement et si elle est plus petite, on a des
problèmes de résonance dans la cavité ainsi créée. On calcule "a" qui
représente le rapport entre la surface de gorge et la surface utile de
la membrane.
Rh est la résistance de la bobine mobile en courant continu, Bl est le
facteur de force du haut parleur en mètres tesla. Il représente la
caractéristique de la bobine mobile dans le champ magnétique dans lequel
elle est plongée. "c" est la vitesse du son et la lettre grecque ro indice
zéro une constante de l'air. Pour obtenir la surface de gorge, on multiplie la surface utile de la membrane par "a".
Accessoirement, on peut calculer le rendement de l'ensemble au moyen
de la formule ci-dessous (pour ceux qui n'en ont pas marre des formules,
il doit en exister quelques uns !)
Maintenant que toutes ces insanités ont été écrites, on va passer à l'application numérique,
comme ils disent en maternelle supérieure (math sup).
On commence par calculer le coefficient d'expansion du pavillon "m".
La constante c représente la vitesse du son dans l'air et vaut 344 m/s
(mètres par seconde). Pour une fréquence de coupure de 30 Hz, on
obtient un coefficient de 1,1. Jusque là, ça va.
On calcule alors la surface de gorge du pavillon le petit "a" optimal.
Dans le cas présent, l'Altec 515 B a un diamètre utile de 31 cm , un
facteur de force de 14,4 m.T , une résistance électrique de 12,5 ohms.
La constante "ro indice zéro" vaut 1,18 ce qui donne a= 0,787 .
La surface de gorge sera donc 0,787 fois la surface utile du haut
parleur, soit 594 cm2, ou bien un carré de 24,4 cm de côté.
Pour ceux qui veulent se taper une équation de plus, le rendement de
l'ensemble est 10,65% valeur trés honorable dont les autres se
ficheront complètement..!
Nous avons fixé maintenant les principales données du pavillon, à
savoir son type, hyperbolique, son coefficient d'expansion
m, la surface de gorge 594 cm2, la surface de bouche 2,30 m x
1,70 m fixée par la pièce d'écoute. Il ne reste plus qu'une seule
inconnue dans l'équation du pavillon, c'est la constante T. Celle-ci
détermine la part d'influence du sinus hyperbolique par rapport à
celle du cosinus de la même race. Pour rester simple, on dira que
plus T est grand, plus le pavillon s'expansera vite, mais on n'a pas
intérêt à ce qu'il soit trop grand (et là, pour expliquer ça, c'est
mal de crâne !). On va donc chercher la
valeur de T qui permet de passer de la surface de gorge à celle de
bouche en une distance correspondant à la longueur souhaitée pour le
pavillon. Dans le cas présent, cette valeur vaut 0,9. Je l'ai trouvée en faisant
plusieurs fois le calcul complet jusqu'à ce qu'il me donne la longueur que je voulais.
On doit pouvoir le trouver mathématiquement par des équations, mais ça,
c'était trop pour ma petite tête...!
L'équation définitive du pavillon, celle avec laquelle on va calculer
toutes les sections est:
x est l'abscisse, dans l'axe du pavillon. C'est la distance de la section considérée
par rapport à la gorge. Il ne reste plus qu'à faire marcher la calculatrice,
programmable de préférence ( sinon, bonjour ! ), pour calculer les différentes sections
à des intervalles de 5 cm.
La courbe des sections en fonction de l'abscisse, telle que crachée
par la calculatrice.
Lorsqu'on n'a pas de bol parce que la
calculatrice ne gère pas directement les fonctions hyperboliques,
alors là, c'est la loi de Murphy (comprenez de l'emmerdement
maximum). On s'en sort tout de même avec la fonction exponentielle en sachant que:
Si on n'a que les 4 opérations sur sa calculette, autant aller de
suite aux champignons..!
Cette couche supplémentaire ayant été rajoutée, on peut passer à la
phase finale de l'étude, celle qui fait recommencer tous les calculs
une nouvelle fois..... c'est l'intégration du pavillon à son environnement,
c'est à dire, pour chaque section, le rapport entre la longueur et la
largeur de cette section et la variation de ce rapport.
Dans mon cas, le premier mètre cinquante de pavillon a des sections
trés fidèles au calcul. Ensuite, il est divisé en 4 parties dont chacune
a une progression linéaire, ceci pour des raisons de simplification.
Le premier mètre cinquante. La largeur de chaque section croit
linéairement et c'est par sa longueur qu'on fait varier sa surface.
Dans les parties aprés le mètre cinquante, les parois du pavillon ne
sont plus courbes, mais planes, ce qui fait que la surface réèlle de chaque
section n'est pas trés
exactement celle trouvée par le calcul mais s'en écarte de quelques
pour cents. Et là, il faut encore chercher le meilleur compromis pour
avoir le moins d'erreur. Ci-dessous, on voit les côtés du pavillon, on peut
remarquer qu'après 1,5 mètre, la courbure n'est plus parfaitement
régulière.
Sur le deuxième dessin, le pavillon est représenté dans son environnement
naturel, c'est à dire longeant la charpente de la maison. Son axe est incliné,
comme la toiture, à 45°. Au bas du pavillon, on trouve un panneau
d'adaptation à la pièce d'écoute. Cette étude ayant été réalisée avant
que Bill Gates ne sévisse, la mémoire de stockage de masse était... le papier
millimétré au format A3.
Le pavillon est entièrement en bois aggloméré de 19 mm d'épaisseur et de haute densité. Il
est posé sur le plafond de la pièce d'écoute et longe la charpente de
la maison.
Le plafond de la pièce d'écoute. On remarque au fond le trou sur lequel
sera posé le pavillon. Ce trou est bordé par ses deux chevêtres (Ca, c'est
du langage du bâtiment).
Sa réalisation a nécessité un échafaudage dans la pièce d'écoute
et un autre au dessus (qui est une chambre). Il s'est construit de la bouche
vers la gorge puisque la bouche est posée au sol.
Le pavillon est bâti contre la toiture de la maison. On voit bien l'isolant
thermique (laine de verre) de la charpente juste derrière le panneau de bois. A l'avant,
la porte est celle d'une penderie qui est à côté du pavillon.
Le renfort central évidé rigidifie les plus grands panneaux avant et arrière.
Les différents panneaux sont assemblés par vissage et collage. Des butées
et guides fixés avant l'assemblage facilitent celui-ci.
Les parois de la partie supérieure du pavillon sont sablées sur 1,50 mètres.
elles sont constituées de deux panneaux de bois maintenus à distance
constante et dont le vide est rempli de sable. Ceci permet d'amortir les
vibrations des parois à l'endroit où l'énergie acoustique est la plus concentrée.
L'étanchéité des cavités est primordiale pour éviter la douche de sable à
l'étage en dessous. Le sable est tassé longuement par vibrations pour éviter
qu'il se forme un trou d'air par la suite à sa partie supérieure.
L'imposant haut parleur Altec 515 B de 38 cm de diamètre sur son support
au sommet (la gorge) du pavillon.
Une fois mastiqué, poncé et peint, il ne reste plus qu'à écouter.
Et en plus, esthétiquement parlant, ça a de la gueule.
Pour ceux qui n'en ont pas marre, retour au début (accueil)